Une rémunération juste du travail ! Une augmentation historique du salaire minimum au Salvador

Au Salvador, un ouvrier agricole ou un ouvrier du textile ne sont pas vraiment riches. Heureusement, il existe des syndicats qui défendent les intérêts de l’homme de la rue. Suite à des négociations compliquées, les ouvriers gagneront finalement une rémunération juste pour le travail qu’ils réalisent, grâce à une augmentation historique du salaire minimum.

Après des semaines intensives de négociations entre les syndicats, les employeurs et les autorités salvadoriennes, le salaire minimum de bon nombre de métiers lourds a connu une augmentation. L’accord final adopté par le Conseil National du Salaire Minimum (CNSM) en décembre, a été approuvé sans les employeurs. Ils n’étaient pas présents, vu que le secteur privé visait une pauvre augmentation de 3% pour 2017. Heureusement, ils n’ont pas obtenu gain de cause.

Une évolution historique?

Depuis plusieurs décennies, les entrepreneurs salvadoriens ont l’habitude d’engranger des bénéfices en sous-payant les ouvriers. Ils en étaient capables puisqu’ils maîtrisaient quasiment entièrement l’économie. Ainsi ils pouvaient faire ce qu’ils souhaitaient. De plus, ils dominaient les institutions politiques où les syndicats, les employeurs et les responsables politiques se réunissent, comme le Conseil National du Salaire Minimum. Ils tenaient donc également le sceptre là où les conditions de travail de la classe ouvrière se discutent et s’approuvent.

Pendant très longtemps, « la représentation syndicale » soutenait généralement les décisions des employeurs. De ce fait, des augmentations salariales négligeables ont longtemps été approuvées, qui influaient à peine sur le pouvoir d’achat de la population. En 50 ans, les cueilleurs de café n’ont connu qu’une augmentation salariale de $4.05 et les travailleurs du secteur commercial ne gagnaient que $7.99 de plus que dans les années 70 ! Or, cela appartient depuis récemment au passé. Car les dernières augmentations salariales constituent une différence énorme.

 

Catégorie salarialeSalaire minimum 2016 ($/mois)Salaire minimum 2017 ($/mois)Augmentation absolue ($/mois)Augmentation en pourcentage ($/mois)

Commerce et services257.7300.042.316.4

Industrie lourde246.6300.033.421.6

Maquilas (textile)210.9295.084.139.8

Café (transformation)171.0224.053.030.9

Café (récolte)129.0224.095.073.6

Sucre (transformation)124.2224.099.880.3

Sucre (récolte)109.2224.0104.8105.1

Agro-industrie118.2200.081.869.2

Cueillette du coton98.7200.0101.3102.6

L’augmentation salariale par rapport au passé, par catégorie professionnelle

Les employeurs perdent du terrain

Il n’est pas surprenant que la nouvelle augmentation salariale ne puisse pas compter sur le soutien des entrepreneurs. Au Salvador, ils s’organisent dans l’Association Nationale des Entreprises Privées (ANEP), comparable à la Fédération des Entreprises Belges (FEB) chez nous. La réaction ne s’est pas fait attendre. L’ANEP a interjeté appel contre la décision qu’ils estimaient anticonstitutionnelle. Ainsi, les entrepreneurs veulent affaiblir la crédibilité du CNSM, parce qu’ils en ont perdu le contrôle pour la première fois dans l’histoire.

 

De plus, les entrepreneurs ont mené une campagne médiatique pendant les derniers mois de 2017, contre l’augmentation du salaire minimum. Ils sont d’avis que l’augmentation salariale mènerait à une fuite du capital, à un nombre massif de licenciements et de fermetures d’entreprises. Apparemment, ils oublient très vite que le Salvador connaissaient avant 2017 les salaires minimaux les plus bas de l’Amérique centrale, après le Nicaragua.

Le meilleur cadeau de Noël

Pourtant, le salaire minimum est également favorablement accueilli. Dans une publication, l’université salvadorienne UCA appelle l’augmentation « le meilleur cadeau de Noël que l’on puisse donner aux ouvriers ». L’université écarte d’un geste de la main les critiques du secteur privé. « Les entrepreneurs ne sont en fait pas contre la procédure juridique sur laquelle se base leur plainte », lit-on dans la publication. « Mais plutôt contre le fait qu’ils ne peuvent plus s’enrichir sur le dos des ouvriers. Ou plus dans la même mesure qu’auparavant. »

Marta Zaldaña est la présidente de FEASIES, une organisation syndicale avec laquelle FOS coopère au Salvador. Selon elle, l’augmentation du salaire minimum est un fait historique et un signe de justice pour la classe ouvrière salvadorienne. « A travers un processus transparent et démocratique, on a défendu les intérêts des ouvriers », dit-elle. « Maintenant les réformes peuvent s’élaborer davantage pour l’ensemble de la population active. »

Et maintenant?

Bien que les syndicats triomphent, il est important que les augmentations s’appliquent véritablement et que la mesure ne s’annule pas. Dans ce sens, la CEDM et le CSTA (partenaire horval), deux organisations avec lesquelles FOS coopère au Salvador, ont une tâche importante à assumer. Elles sont respectivement actives dans les usines de textile dans la maquila, une zone de libre-échange, et dans le secteur de la canne à sucre. Les ouvriers dont ils défendent les intérêts travaillent dans deux des branches professionnelles les plus précaires du Salvador. FOS continuera à soutenir les organisations, pour qu’elles se renforcent et puissent continuer à faire la différence.

Maintenant, il ne reste plus d’autre choix que d’attendre si la Haute Cour de justice déclare anticonstitutionnel l’organe de concertation CNSM. Si cela devait se passer, l’augmentation du salaire minimum s’annulera. Des milliers d’ouvriers qui se battent jour après jour pour survivre sombreront à nouveau dans la misère. Espérons que les employeurs salvadoriens comprennent finalement qu’une augmentation salariale serait bénéfique pour le pays entier.