Colombie : Stop aux attaques et menaces contre les syndicalistes !

Communiqué du 18/10/2023 

Colombie : Stop aux attaques et aux menaces contre les syndicalistes et les leaders sociaux !

Ces derniers mois, plusieurs syndicalistes et défenseur·euse·s des droits humains partenaires de notre programme syndical ont été menacé∙e∙s de mort pour leur engagement social. Solsoc et la FGTB-HORVAL entendent dénoncer ces situations intolérables et les ont invités en Belgique pour témoigner de ce qui leur est arrivé.

Le 22 août 2022, la vie d’Abel Rivera Trujillo, employé de Nestlé dans la région Valle del Cauca et membre de la section SINALTRAINAL de Bugalagrande, a basculé. Alors qu'il rentrait chez lui après une journée de travail, un motard s'est approché de sa voiture dans une zone isolée, a retiré son casque et lui a dit qu'ils l'avaient identifié, qu'ils savaient où il travaillait, qu'ils ne voulaient plus le revoir et que c'était le dernier avertissement qu'ils lui donnaient. L'homme a ensuite montré l'arme qu'il portait à la ceinture et a démarré.

Ce n'était pas la première fois qu'Abel recevait des menaces, mais cette fois-ci, c'était la plus grave et la plus directe. Le syndicat a réussi à obtenir de Nestlé qu'elle lui accorde un congé afin qu'il puisse se rendre immédiatement dans une autre région, empêchant ainsi la mise à exécution des menaces, mais laissant derrière lui sa famille à Tuluá. Depuis lors, Abel n'a pas été en mesure de retourner chez lui en toute sécurité et fait actuellement l'objet d'un programme de protection pour les leaders sociaux en Espagne. Dans quelques mois, Abel retournera en Colombie sans pour autant que les conditions structurelles de risque aient changé. 

Le 24 octobre, une délégation de représentants politiques belges et de conseillers du parti socialiste, conduite par Solsoc, a rencontré M. Rivera à Bogota et a entendu son récit poignant. Difficile de croire qu’en Colombie, le seul fait d’organiser des grèves et des actions sociales puisse mener à une telle situation.

Juliana Millán est la directrice politique de l'association ATI, qui soutient le projet syndical porté par Solsoc et la FGTB-HORVAL, également dans la région Valle del Cauca. Le 14 juin de cette année, a été inauguré le centre culturel syndical (CACTUS) dans la ville de Palmira, futur siège du syndicat des coupeurs de canne à sucre SINTRACATORCE et, par la suite, de la fédération syndicale agroalimentaire qu'ils sont en train de construire avec SINALTRAINAL. Ainsi, le CACTUS servira de tremplin aux activités de défense des droits des travailleuses et travailleurs de la région Valle del Cauca, et visera également à promouvoir les droits de leurs familles et de la communauté dans son ensemble, permettant d'unir les luttes du monde syndical et du monde agricole.

Dès janvier 2023, Juliana et le président de SINTRACATORCE, Fernando Lasso, ont commencé à se sentir surveillés. Lors de l'inauguration de la maison CACTUS, la présence de personnes et de matériel d'enregistrement extérieurs aux organisations a été remarquée. Enfin, après plusieurs appels menaçants, la directrice politique d'ATI a reçu des menaces directes par l'intermédiaire de sa fille, "tout le monde ici sait que ta mère va être tuée" lui a-t-on dit.

Nous constatons avec inquiétude que nos partenaires et camarades mettent en œuvre ce programme et les actions entreprises pour défendre les travailleur·euse·s dans une situation dangereuse et inacceptable.

Ces menaces ne sont pas isolées ; elles s'inscrivent dans un climat prolongé d'insécurité en Colombie pour tous les défenseur·euse·s des droits humains. En 2022[1], 189 leader·euse·s sociaux·ales ont été assassiné·e·s et en 2023, on décompte déjà 127 autres victimes. En 41 ans d'existence de SINALTRAINAL, 18 travailleurs de Nestlé affiliés au syndicat ont été assassinés en Colombie.

Depuis le début du conflit armé colombien, il y a plus d'un demi-siècle, le nombre d'acteurs armés s'est multiplié : groupes rebelles armés (guérillas de gauche), paramilitaires (conservateurs d'extrême droite), groupes illégaux formant des bandes criminelles autour du trafic de drogue, d'êtres humains et d'armes, ainsi que le rôle des forces de sécurité de l'État dans de nombreuses régions du pays.

Aujourd'hui, les liens entre nombre de ces groupes armés, en particulier les paramilitaires, et les grandes élites foncières, les hommes d'affaires et les familles qui ont fait partie des élites sociales et politiques du pays sont amplement démontrés ; ces groupes ont été utilisés pour déposséder des territoires, démanteler des organisations sociales et semer une politique de terreur et de sécurité militaire dans le pays ;

Nous savons que l'histoire de la Colombie a pris un tournant après les élections nationales de 2022 et que le gouvernement est disposé à ouvrir un processus de dialogue très différent de la politique de guerre et de confrontation ; cependant, nous sommes préoccupés par la situation régionale à l'approche des prochaines élections et par le fait que les acteurs armés continuent de recourir à la force contre les dirigeant·e·s sociaux·ales ;

Dans ce contexte particulièrement violent, Solsoc, FGTB-HORVAL et leurs partenaires SINALTRAINAL, SINTRACTORCE et ATI lancent l'appel suivant :

  • Le gouvernement colombien doit protéger ses leader·euse·s sociaux·ales et mettre fin à l'impunité de ceux et celles qui menacent et assassinent les syndicalistes et tous les leaders·euses sociaux·ales, communautaires et environnementaux.
  • Les auteurs et autrices de ces menaces doivent être identifié·e·s et traduit·e·s en justice. Nous demandons également que les droits garantis par les conventions internationales, tels que le droit d'association, de manifestation et la liberté d'expression, soient respectés.
  • Dans ses relations diplomatiques avec le gouvernement colombien, la Belgique insiste sur la protection des dirigeant·e·s sociaux·ales et syndicaux·ales, la lutte contre l'impunité et le respect des droits garantis par les conventions internationales.
  • L'Union européenne continuera à soutenir et à suivre la mise en œuvre du processus de paix.
  • A direction internationale de Nestlé de demander à sa filiale colombienne de clarifier les circonstances dans lesquelles M. Rivera a été menacé, de garantir les droits de ses travailleur·euse·s et la protection des représentant·e·s syndicaux·ales.

Abel séjourne en Espagne pendant six mois dans le cadre d'un programme d'échange pour les défenseurs des droits humains. Abel et Juliana sont en Belgique jusqu'au 22/10/2023 pour témoigner de leur situation et expliquer leurs actions de résistance.

Vous pouvez venir les écouter ce mercredi à 18h à Namur au Cinex (rue Saint-Nicolas, 86 – 5000 Namur).

[1] Selon l'organisation In de Paz, qui recense les assassinats de leaders sociaux : https://indepaz.org.co/lideres-sociales-defensores-de-dd-hh-y-firmantes-...